Description des stations en relation avec les types de peuplement

La répartition des peuplements selon les conditions stationnelles permet d’identifier les facteurs déterminants de la composition et de la structure forestière.

Les résultats présentés dans le cadre de ce chapitre concernent exclusivement les zones forestières productives.

La topographie du terrain est le facteur le plus déterminant des conditions stationnelles. En effet, l’altitude, le type de relief, la pente et l’exposition influencent largement la quantité de rayonnement solaire, la température, l’eau dont vont pouvoir bénéficier les peuplements.

Bien que l’amplitude des altitudes soit peu importante en Wallonie, des modifications significatives du paysage forestier peuvent être observées avec l’élévation du terrain. Le premier constat est une augmentation du taux de boisement (figure 14.1. et tableau 14.1.). La proportion de surface forestière productive localisée à 300 m ou plus d’altitude atteint d’ailleurs 61 %. On remarque également une augmentation progressive de la proportion de résineux ainsi que de celle des futaies par rapport aux taillis et taillis sous futaie. Ces derniers deviennent rares sur le plateau au-delà de 400 m, alors qu’ils constituent environ la moitié des peuplements en dessous de 300 m d’altitude (figure 14.1.).

A basse altitude, les peuplements dominés par les feuillus couvrent l’essentiel des surfaces. Entre 100 et 300 m d’altitude, c’est la chênaie qui domine, 67 % de sa surface se trouvant sous la cote de 300 m (tableau 14.1.) alors que seuls 39 % des forêts productives se situent sous ce niveau. Avec l’élévation du terrain, le hêtre et les résineux deviennent plus fréquents ; ces derniers dominent le paysage sur le plateau ardennais, à partir de 400 mètres d’altitude, 63 % de la pessière étant localisés à au moins 400 m d’altitude.

La pente du terrain joue également un rôle important. Au-delà de son impact sur l’exploitabilité des peuplements qui a déjà été évoquée, elle influence l’économie en eau et en combinaison avec l’exposition, l’ensoleillement et la température au sol.

La proportion de forêt localisée sur des terrains peu ou pas inclinés (pente < 15°) est de 85 %. L’importance de la pente, qui peut localement influencer le développement et la production des peuplements, est donc à relativiser à l’échelle régionale. C’est la chênaie qui présente la plus forte proportion de sa surface en pente prononcée (pente ≥ 25 °). Quant à la pessière, 80 % de sa surface sont situés sur des pentes faibles à nulles (< 15°) (tableau 14.2.).

En tant que substrat dans lequel les arbres ancrent leurs racines et puisent l’eau et les nutriments indispensables à leur croissance, le sol est déterminant pour le développement des peuplements. Dans le cadre de l’inventaire, toutes les unités d’échantillonnage situées en forêt productive font l’objet d’un sondage pédologique qui permet de décrire la nature physique des sols. Les paramètres relevés sont : la profondeur, la texture, le drainage, la nature de la charge et son abondance. De façon à rendre possible l’établissement de relations entre les observations réalisées sur le terrain et les cartes pédologiques, la typologie de ces paramètres a été empruntée à la légende de la carte des sols de Wallonie aujourd’hui numérisée.

La situation sur le terrain ne permet pas toujours de réaliser le sondage dans de bonnes conditions (sol gelé, tapis dense de ronces…). Globalement, la proportion d’unités d’échantillonnage pour lesquelles la caractérisation du sol n’a pu être réalisée de manière complète atteint 6 %. Les résultats présentés ci-après ne tiennent pas compte de ces U.E. On peut dès lors constater de légers écarts d’un tableau à l’autre lorsque les données traitées se recoupent (comme par exemple dans le cas de la charge caillouteuse et des sols caillouteux).

La profondeur conditionne l’espace que les racines vont pouvoir coloniser pour assurer l’ancrage et l’apport en éléments nutritifs des arbres. Toutefois, la profondeur relevée par l’inventaire étant déterminée par sondage à la tarière pédologique, elle ne représente pas nécessairement la profondeur exploitable par les racines.

Pour une croissance satisfaisante, les principales essences de Wallonie demandent une profondeur de sol (utile) d’au moins 40 cm mais, 31 % des peuplements se trouvent sur des sols qui n’atteignent pas cette profondeur. 9 % de la forêt se trouvent même sur des sols de moins de 20 cm de profondeur (figure 14.2.). Pour les sols plus profonds, on n’observe pas de réelle tendance dans la répartition des peuplements entre les niveaux de profondeur de sol. C’est la hêtraie qui comporte le plus de sols d’une profondeur d’au moins 80 cm.

Les éléments qui constituent le sol sont répartis en trois classes de grosseur, des plus grossiers aux plus fins : sable, limon et argile. Les éléments au-delà de 2 mm sont décrits séparément (charge caillouteuse). Le sol est dit caillouteux dès que la teneur en cailloux atteint au moins 5 %, et ce, quelle que soit la texture de la terre fine dans laquelle se trouvent les cailloux. La texture du sol est définie par la proportion de chacune de ces trois classes. Elle influence essentiellement la perméabilité des sols et leur rétention en eau.

Avec une proportion de 80 %, les sols caillouteux sont largement majoritaires en particulier en douglasaie (92 %), la charge caillouteuse étant très favorable à un bon ancrage racinaire du douglas (tableau 14.3.).

Vue en coupe d'un sol famennien avec ses différents horizons et la roche mère (schisteuse) sous-jacente.
PHOTO : HUGUES CLAESSENS

La charge caillouteuse est aussi particulièrement bien représentée dans les sols sous chênaie dont 49 % de la surface occupent des sols avec au moins 50 % de charge caillouteuse (tableau 14.4.). La plupart des peuplements sont situés sur des terrains où la charge est siliceuse (gréseuse et/ou schisteuse : 73 % de la surface des peuplements) (tableaux 14.5. et 14.6.).

L’économie en eau des sols conditionne fortement le type d’essences qu’une station forestière est capable d’accueillir de manière satisfaisante. Les principales essences qui composent la forêt wallonne trouvent leur optimum lorsque le drainage est normal, modéré voire imparfait. 78 % des peuplements se situent sur cet éventail de niveaux de drainage (tableau 14.7.).

Parmi les grandes essences, les chênes indigènes et l’épicéa sont les plus tolérants à l’excès d’humidité ; leurs peuplements sont donc un peu mieux représentés dans les sols à drainage pauvre ou assez pauvre (20 % des surfaces). Pour l’épicéa, il s’agit notamment des plateaux à « argiles blanches », tandis que pour les chênes, ce sera plus souvent des sols limoneux ou argileux hydromorphes (Région limoneuse, Famenne). Les douglasaies et les hêtraies se situent par contre très majoritairement (plus de 80 %) dans des sols bien drainés non hydromorphes conformément à leurs exigences en aération du sol.

Charge caillouteuse

La nature de la charge caillouteuse peut déjà donner une première idée du statut chimique du sol. On distingue les roches siliceuses, plus pauvres, des roches calcareuses, plus riches. Globalement, les forêts sont installées sur les sols les plus pauvres, en particulier les pessières dont 61 % des sols se caractérisent par une charge gréseuse ou de type gréseuse. Les chênaies se trouvent quant à elles sur des sols moins pauvres, à charge schisteuse (notamment en Famenne) auxquels les sols sans charge, limoneux ou argileux (14 %) peuvent être ajoutés.

Analyse chimique

Au-delà de la caractérisation physique des sols, des informations sont également disponibles sur leur nature chimique. Elles sont obtenues grâce à des analyses effectuées en laboratoire sur des échantillons de sol prélevés sur 10 % des points d’inventaire situés en forêt productive. Ces analyses et leur interprétation sont effectuées par l’Axe Systèmes Sol – Eau de Gembloux Agro Bio-Tech (ULg).

Les résultats qui sont présentés ici sont tirés des rapports de mai 2008 et 2010 (voir en fin de document, section Bibliographie, pour les références complètes).

Les teneurs en éléments échangeables1 ou assimilables2 ont été déterminées. Afin d’identifier les situations de carence ou d’excès des différents éléments, elles ont ensuite été comparées à des seuils de stress (tableaux 14.8. et 14.9.) définis pour les principales essences. Ces seuils correspondent à des situations dans lesquelles la probabilité d’un stress est importante mais pas nécessairement systématique.

Les tests effectués montrent que les situations à risque en calcium et en phosphore sont les plus fréquemment observées (tableau 14.10.). On constate également que 43 % des sols échantillonnés présentent un déficit chimique en magnésium. Des excès d’aluminium ont été mis en évidence dans plus d’un tiers des échantillons et le déséquilibre cationique est presque omniprésent.

Résultat d’un sondage pédologique à la tarière (sol brun acide d’Ardenne)
PHOTO : LAURELINE CLAESSENS

« La colonne « Dés. » du tableau 14.10. correspond au pourcentage d’U.E. présentant une situation de déséquilibre ionique. Si l’on considère toutes les situations possibles de déficience, toxicité ou déséquilibre pour chaque U.E., il apparaît que moins de 10 % des U.E. ne présentent aucun risque. Par contre plus de 70 % des U.E. présentent au moins deux facteurs de stress potentiels »1. On rencontre simultanément jusqu’à 6 facteurs (figure 14.3.).

On notera toutefois que cette évaluation des déséquilibres des sols forestiers a été réalisée indépendamment des essences composant les peuplements installés sur les sols échantillonnés. Il s’agit donc de déséquilibres potentiels vis-à-vis des essences concernées (hêtre, épicéa et douglas).

En fonction de l’essence, la sensibilité aux différents déséquilibres ioniques varie. Les seuils de risque sanitaire par essence et par élément sont présentés au tableau 14.8. Il s’agit des seuils pour lesquels les risques de dépérissement sont importants. Des seuils dits de sécurité sanitaire ont également été définis. Ils constituent cependant des limites fixées dans une optique de production (tableau 14.9.).

Seuils de référence pour les teneurs en éléments échangeables dans les sols

La connaissance de l’acidité des sols est également importante. Elle influence notamment l’assimilabilité des éléments nutritifs ainsi que celle des ions toxiques. Par ses effets sur l’activité des organismes vivants, elle influence l’humification et par là, certaines propriétés physiques des sols.

Le pH moyen des sols forestiers productifs est de 4,46 (tableau 14.13.). Les sols forestiers sont donc majoritairement acides : 75 % des U.E. où des prélèvements ont été effectués présentent un pH inférieur à 4,55, 10 % des U.E. étant même très acides avec un pH inférieur à 4,00 (donnée non présentée), valeur de pH qui est considérée comme une valeur plancher par rapport à la toxicité alumino-manganique. Toutefois, d’un type de peuplement à l’autre, le pH moyen varie assez peu.

Le rapport entre la quantité de carbone organique dans le sol et celle d’azote, qui est notée C/N, renseigne sur les conditions de minéralisation de la matière organique dans le sol. Plus le rapport C/N est élevé plus la décomposition est lente et plus l’azote minéral mis à disposition de la végétation est faible.

On considère qu’en-dessous d’un rapport C/N de 20 la minéralisation est bonne, au-dessus, elle est faible. Le tableau 14.12. montre que le rapport C/N ne varie pas significativement d’un peuplement à l’autre et qu’il reste proche de 20, la valeur maximale pour considérer que la minéralisation est satisfaisante.