Evolution

Que l’on s’intéresse uniquement aux zones productives ou bien à l’ensemble de la forêt, la comparaison des valeurs de surface des deux cycles d’inventaire montre que la surface forestière est restée globalement stable. Ce constat général masque néanmoins une évolution sensible en termes de composition (répartitions d’essences). En effet, alors que les étendues occupées par les peuplements feuillus se sont accrues de 12.300 ha, soit 5 % de leur situation initiale, dans le même temps, les surfaces dédiées aux résineux se sont restreintes de 16.300 ha, soit 7 % des surfaces de départ.
Le recul est particulièrement marqué en pessière où la surface s’est contractée de près de 26.000 ha (- 16 %) entre les deux inventaires (tableau 16.1.). La surface des chênaies et des hêtraies semble, elle, assez stable, tandis que les peuplements de sapin de Douglas, purs ou en mélange avec l’épicéa, montrent quant à eux une certaine expansion (tableau 16.2.) mais les données sont encore insuffisantes pour permettre une évaluation précise de l’évolution de ces peuplements nettement moins étendus que les pessières. L’étendue des terrains classés en « autres affectations » (voiries, coupe-feu, végétation pionnière…) semble quant à elle s’accroître quelque peu alors qu’elle avait déjà augmenté de manière sensible entre 1984 et 2008 (section 5.1. – figure 5.1.).

On retrouve cette stabilité de l’espace dévolu à la forêt tant en privé qu’en public. Là où la nature du propriétaire semble jouer un rôle, c’est au niveau de l’amplitude des changements de composition. Ceux-ci apparaissent un peu plus marqués en forêt privée où le recul des surfaces résineuses atteint presque 9 % alors qu’il est moins important en public (tableau 16.1.). On notera par ailleurs que l’évolution de la surface des « autres affectations » diverge également selon le type de propriétaire. Alors qu’une augmentation sensible est observée en forêt publique (+ 15 %), c’est le statut quo en forêt privée.

Grumes de chêne entreposées en bordure de voirie forestière.


Le rôle joué par les pessières dans les changements de composition est prépondérant quelle que soit la nature du propriétaire. En forêt privée, les étendues des futaies d’épicéa se sont ainsi contractées passant de 96.100 ha à 79.800 ha, soit une perte de plus de 17 %. Les nombreuses réalisations de pessières sont notamment induites par les vastes étendues de peuplements d’épicéas plantés de la fin des années 1950 au début des années 1970 et qui sont actuellement arrivés en âge d’exploitation. Cette réduction des surfaces de pessière est également induite par la récolte de peuplements relativement jeunes suite à une demande soutenue de la première transformation de l’épicéa.

Dans les forêts publiques, le recul des peuplements résineux est également imputable à l’exploitation de nombreuses pessières. Cet état de fait, bien que moins prononcé qu’en forêt privée, représente néanmoins un recul de plus de 13 % (9.300 ha) de la surface de la pessière publique. Parmi les causes de cette diminution on trouve notamment la réalisation de mises à blanc dans les sites Life (transformation en tourbières, landes humides, boulaies de recolonisation…) dans le cadre de projets européens de développement de la biodiversité et d’amélioration de la gestion de l’environnement, contribuant également à l’extension des autres affectations (étendues non reboisées et laissées à la recolonisation naturelle par des essences pionnières).

La structure de la forêt wallonne semble connaitre également des changements sensibles (figure 16.1.). Les futaies régulières (plantation, jeune futaie et futaie à 1 étage), qui dominaient largement le paysage forestier (68 % de la surface), ont reculé fortement et constituent désormais un peu plus de la moitié des peuplements (51 %). Par contre, la proportion de peuplements qui contiennent à la fois de la futaie et du taillis est en augmentation de 9 % par rapport au 1er cycle et celle des futaies irrégulières de 5 %. La tendance semble ainsi être à l’irrégularisation. Les données disponibles actuellement ne permettent pas d’apporter davantage de nuances en précisant par exemple l’origine des peuplements devenus d’allure irrégulière depuis le 1er cycle.

L’article 1 du Code Forestier impose dans le contexte du développement durable des bois et forêts « le maintien d’un équilibre entre les peuplements résineux et les peuplements feuillus ». Pour définir cet équilibre, la répartition observée pour l’ensemble des données du 1er cycle de l’IPRFW a servi de référence, à savoir 53 % de l’étendue des peuplements en feuillus et 47 % en résineux. L’IPRFW sert également d’outil de contrôle afin d’informer sur le maintien de cet équilibre.

L’augmentation de la surface de peuplements feuillus conjuguée au net recul de celle des résineux modifie inévitablement leur importance relative. En tenant compte de ces évolutions, les peuplements feuillus représentent désormais 57 % de la surface forestière productive contre 43 % pour les résineux (tableau 16.2.), impliquant l’existence d’un écart de 4 % par rapport aux valeurs de référence précédemment fixées. On peut toutefois noter que l’évolution est moins sensible dans les forêts publiques que dans les forêts privées.

Les tendances mises ici en évidence, même si elles sont assez nettes, seront à confirmer au fur et à mesure de la progression du second inventaire. Il sera notamment possible d’évaluer plus justement la nature des changements d’essence, leur relation avec les stations et les évolutions des politiques forestières.

Sur base des données du 2e cycle de l’IPRFW, le volume total de bois sur pied est estimé à plus de 113 millions de m³ (tableau 17.1.). Ce volume se partage à parts égales entre forêt publique et forêt privée avec 56 millions de m³ environ chacune. Au sein des forêts publiques, les communes détiennent 75 % de la ressource et la Région wallonne 20 %.

La répartition équilibrée du volume entre forêts privées et publiques s’accompagne d’une répartition similaire des surfaces forestières productives, ce qui conduit logiquement à des volumes à l’hectare moyens très proches. Sur base de l’ensemble des zones productives, on obtient respectivement 234 m³/ha (privé) et 237 m³/ha (public). Lorsque l’on s’intéresse uniquement aux zones productives comportant du matériel sur pied mesurable, on observe cependant que le volume moyen à l’hectare est nettement plus élevé en forêt privée (298 m³/ha) qu’en forêt publique (266 m³/ha). Les premières valeurs diffèrent nettement des secondes pour deux raisons essentielles : d’abord l’importance des jeunes peuplements non-mesurables est plus élevée dans les bois privés (21 % en bois privés contre 11 % en bois publics, données non présentées) ; ensuite, la pratique par le privé d’une sylviculture moins dynamique conduit à des volumes sur pied nettement plus élevés dans les peuplements mesurés tout comme la prépondérance des peuplements résineux sur les peuplements feuillus.

En termes d’évolution, on observe une augmentation de près de 5 % du volume total par rapport au 1er cycle (tableau 17.1.). Sachant que la surface forestière productive globale est stable, cette augmentation est à interpréter comme une capitalisation de la ressource boisée générale observée tant en forêt privée qu’en forêt publique. Pratiquement toutes les essences principales semblent concernées (tableau 17.2.) hormis l’épicéa, qui, avec une réduction de son volume de 9 %, constitue une exception notable mais logique eu égard aux pertes de surface importantes des pessières.

Malgré le recul de son capital sur pied, l’épicéa demeure, et de loin, avec près de 46 millions de m³, l’essence dominante en Wallonie (41 % du volume total) (tableau 17.2.). Le volume des chênes indigènes atteint quant à lui 23 millions de m³ et celui du hêtre 16 millions de m³, c’est-àdire une augmentation d’au moins 10 % par rapport au 1er cycle dans les deux cas. La progression du sapin de Douglas apparaît quant à elle remarquable (+ 57 %). C’est d’ailleurs pour cette essence que l’augmentation du capital sur pied est proportionnellement la plus élevée et ce, quel que soit le type de propriétaire, en raison de l’importance de la surface de jeunes peuplements ayant atteint le seuil d’inventaire.

L’examen du tableau 17.1. indique également que le volume du matériel sur pied s’accroît davantage en forêts privées qui contribuent pour 60 % à l’augmentation globale.

La réalisation de mesures dendrométriques (circonférence, hauteur…) successives aux mêmes endroits organisée par l’IPRFW permet d’estimer des valeurs d’accroissement et de quantifier le bois prélevé ainsi que l’importance de la mortalité. Toutefois, bien que toutes les unités d’échantillonnage n’aient pas encore été remesurées, plusieurs résultats intéressants peuvent déjà être présentés. Il convient néanmoins d’être prudent dans l’interprétation qui en est faite et de les considérer pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des tendances qui devront être confirmées avec la progression du 2e cycle de l’inventaire.

Nature et origine des données

Dans ce chapitre, l’évolution du matériel ligneux est exprimée en volume bois fort de la tige sur écorce et les résultats sont des valeurs moyennes périodiques (m³/an). Les valeurs présentées sont basées sur la comparaison des données récoltées entre 2001 et 2005 pour le 1er cycle et entre 2008 et 2012 pour le 2e cycle, c’est-à-dire 7 ans d’évolution. Seuls les arbres de la futaie sont concernés, les brins de taillis n’étant pas identifiés individuellement lors des mesures.

Accroissement et production, deux concepts a ne pas confondre

Il est important de bien distinguer la notion d’accroissement de celle de production. L’accroissement concerne à la fois l’évolution du matériel ligneux inventorié au début de la période et celle du matériel ayant franchi le seuil d’inventaire entre les deux périodes de mesure. Il tient par ailleurs compte de l’exploitation ou de la mort éventuelle de certains arbres.

La production exprime quant à elle l’accroissement « brut » du matériel ligneux en intégrant, en plus, le recrutement réalisé lorsque les arbres atteignent le seuil d’inventaire (20 cm de circonférence à 1,5 m au-dessus du sol).

Dans le contexte qui vient d’être décrit, les valeurs globales de l’accroissement et de la production périodiques du volume sont obtenues par l’intermédiaire des formules suivantes :

APGv = V2 – V1 + Vp + Vm – Vr
PPGv = V2 – V1 + Vp + Vm

Sachant que :
APGv = accroissement périodique global en volume (m³)
PPGv = production périodique globale en volume (m³)
V1 = volume de l’ensemble des arbres (ayant atteint le seuil d’inventaire) mesurés au 1er cycle ;
V2 = volume de l’ensemble des arbres (ayant atteint le seuil d’inventaire) mesurés au 2e cycle ;
Vp = volume (au moment de l’éclaircie) des arbres mesurés au 1er cycle et prélevés en coupe entre les deux passages en inventaire ;
Vm = volume (au moment de la mort, sur pied ou à terre) des arbres morts entre les deux passages en inventaire ;
Vr = volume des arbres au moment de leur recrutement. Les arbres concernés sont ceux qui ont atteint ou dépassé le seuil d’inventaire (20 cm de circonférence à 1,5 m au-dessus du sol) au moment du 2e passage en inventaire.

Les valeurs moyennes sont déduites des valeurs globales en divisant les résultats par le nombre de périodes de végétation qui séparent les deux campagnes de mesure. Le rayon des placettes de mesure variant avec la circonférence des arbres (unités d’échantillonnage à placettes concentriques, section 3.3.), les formules générales qui viennent d’être présentées doivent être adaptées pour en tenir compte. Davantage de détails à ce sujet sont disponibles dans l’article de Hébert et al. (2005) duquel est tiré ce qui précède.

Changements récents

La manière de calculer les accroissements ayant été ajustée récemment, les valeurs d’accroissement présentées dans ce chapitre diffèrent quelque peu de celles qui ont été communiquées antérieurement. Les modifications concernent presque exclusivement les peuplements résineux équiennes.


L’analyse des résultats révèle des situations très contrastées au niveau des accroissements et des prélèvements moyens périodiques en feuillus et en résineux. Alors que le taux de prélèvement, c'est-à-dire le rapport entre le volume de bois prélevé et l’accroissement en volume pendant une même période de temps, se limite à 70 % pour les essences feuillues, il atteint 130 % pour les espèces résineuses. De tels taux impliquent une capitalisation en feuillus que l’on peut qualifier de persistante, celle-ci ayant déjà été observée entre 1980 et 2008, et une réduction notable du volume sur pied en résineux (tableau 18.1.).

Selon la nature du propriétaire la différence de situation entre feuillus et résineux apparaît plus ou moins prononcée. En forêts publiques, les feuillus représentent 40 % de l’accroissement et 35 % des prélèvements tandis qu’en forêt privée, le déséquilibre semble plus marqué avec respectivement 27 % et 11 %.

Pour les essences feuillues, la capitalisation est moins importante dans les bois gérés par le DNF où 84 % de l’accroissement (estimé à 752.000 m³) sont récoltés contre 48 % chez les propriétaires privés. En ce qui concerne les essences résineuses, le taux de prélèvement est nettement supérieur à 100 % quelle que soit la nature du propriétaire. Toutefois, alors que les coupes annuelles représentent 108 % de l’accroissement en forêt publique, elles atteignent 149 % en forêt privée, le volume mis en vente annuellement étant de 3.265.000 m³ pour l’ensemble des essences résineuses.

Toutes essences confondues, l’équilibre entre les accroissements et les prélèvements semble quasi une réalité pour les forêts publiques où 98 % de l’accroissement sont récoltés. Par contre, en bois privés, les prélèvements se situent à 122 % de l’accroissement qui s’élève à 1.891.000 m³.

Lorsque l’analyse est portée à l’échelle des essences, des contrastes importants entre les situations rencontrées pour les principales essences wallonnes sont mis en évidence (tableau 18.2).

Pour le chêne (regroupement des deux chênes indigènes), le taux de prélèvement se révèle assez faible (63 %) surtout en forêt privée où il dépasse à peine 50 %. Probablement faut-il y voir une conséquence du manque actuel de débouchés pour les bois d’oeuvre de cette essence, dont les catégories de circonférence de 80 à 180 cm se caractérisent par un excédent de matériel sur pied. Une telle capitalisation, combinée à une surdensité des peuplements, rend aléatoire toute régénération naturelle en chêne.
À terme, d’importants problèmes de vieillissement de la chênaie sont à craindre d’autant plus qu’un déficit en semis et en jeunes tiges est perceptible depuis de nombreuses années déjà.

Dans le cas du hêtre, avec un taux de prélèvement global de 95 %, l’équilibre est quasiment atteint. Néanmoins, en forêt privée, qui contiennent 27 % du volume de hêtre (donnée non présentée), à peine 54 % de l’accroissement (limité à 86.000 m³ par an, soit 4 fois moins qu’en forêt publique) sont coupés.
Il est important de noter que les volumes réalisés en coupes sanitaires à l’occasion de la crise dite « des scolytes » sont pris en compte dans les quantités prélevées, la période de référence sur laquelle ces chiffres ont été établis comprenant les années 2001 à 2005. Pour rappel, le volume des hêtres atteints ayant été estimé à plus de 1.325.000 m³ (donnée non présentée) pour les seules forêts gérées par le DNF, l’impact de la récolte de ces arbres dans le volume prélevé de cette essence n’est pas négligeable même si une réduction des délivrances en coupes d’amélioration avait visé à tempérer cet effet.

Les chiffres de l’inventaire tendent à montrer malgré tout la subsistance d’un excédent en matériel sur pied en hêtre dans les catégories de 140 à 220 cm et un déficit en tiges de moins de 100 cm même si la situation s’est bien améliorée par rapport aux chiffres de l’inventaire du début des années 1980.

En épicéa, les volumes récoltés annuellement atteignent 2.840.000 m³ dont 64 % proviennent des forêts privées. Cette quantité représente 143 % de l’accroissement global de cette essence (tableau 18.2.).

Comme pour l’ensemble des résineux, on observe des valeurs différentes entre bois publics et bois privés (tableau 18.2.). Dans le premier cas, l’accroissement s’élève à 852.000 m³ et la récolte à 1.020.000 m³, celle-ci représentant 120 % de l’accroissement. Ces prélèvements supérieurs à l’accroissement peuvent s’expliquer par la réalisation d’importantes étendues de pessières ayant atteint voire dépassé l’âge d’exploitation, ainsi que par la mise en oeuvre des projets Life. En privé, si l’accroissement s’établit à 1.134.000 m³, la récolte s’élève à plus de 1.820.000 m³. La différence importante entre ces deux valeurs s’explique en partie par un certain déséquilibre des classes d’âge engendré notamment par les plantations massives d’épicéas réalisées au cours des années 1950 à 1970 qui, depuis le début des années 2000, atteignent successivement leur terme d’exploitabilité. A cela s’ajoute un contexte favorable au niveau du marché de l’épicéa qui pousse certains propriétaires à exploiter leurs peuplements précocement.

Étant donné le rôle important joué par des facteurs ponctuels d’une part et la période de temps réduite (7 ans) sur laquelle porte l’analyse, il convient d’interpréter avec une extrême prudence les taux de prélèvement constatés en public comme en privé. Néanmoins, il conviendra de suivre leur évolution dans les prochaines années car, le maintien à ce niveau des prélèvements en résineux conduira inévitablement à une réduction importante du capital sur pied et se traduira à court et moyen termes par une contraction importante des volumes mobilisables pour l’approvisionnement des industries de la filière résineuse.